La collapsalgie : c’est quoi ?
La collapsalgie c’est la souffrance émotionnelle, psychique et physiologique que vivent les individus du fait des processus d’effondrement. Ce terme se compose du mot anglais « collapse » qui signifie « effondrement » et du suffixe « algie », qui provient du grec « algia », douleur. La « collapsalgie » renvoie pour moi aux émotions générées par l’ensemble des phénomènes d’effondrements qui provoquent en miroir chez les individus un effondrement intérieur. Elle peut être vécue comme une expérience rétrospective et prospective. Ainsi elle peut constituer une proposition de synthèse des deux notions d’éco-anxiété et de solastalgie.
L’utilisation d’un terme aux consonances anglophones à l’issue d’un travail réalisé en français peut interroger ici. Voici plusieurs éléments de réponse qui permettront d’expliquer le choix de cette association.
Avant tout c’est le terme qui m’est apparu comme le plus évident, comme le plus pertinent, dans la possible association de la notion d’effondrement et du suffixe algie.
De plus, même si je reconnais aujourd’hui qu’un nombre plus important de praticiens s’intéressent aujourd’hui à ces questions, ma réflexion a été et continue à être nourrie par des lectures d’ouvrages anglophones. Les Etats-Unis, l’Australie et l’Angleterre ont, à ce jour, clairement plus d’expertise que la France sur ces sujets. L’une des pionnières à avoir abordé cette question est une psychothérapeute américaine. Il s’agit de Carolyn Baker qui a, depuis 2006, écrit plusieurs ouvrages sur la question du « collapse ». Très prolifique, elle continue à produire un grand nombre de contenus autour de ce thème. En Angleterre, c’est aussi l’aspect inévitable du « collapse » qui a amené le chercheur et professeur de développement durable, Jem Bendell à créer le concept de Deep Adaptation (Adaptation radicale). La notion de « collapse » revient aussi dans les écrits de l’Australien Glenn Albrecht précédemment cité. Pour eux, il est donc question de « collapse ». Ce mot a donc une sonorité toute particulière dans mes oreilles.
Enfin, la notion de « collapsologie » créée par Pablo Servigne et Raphaël Stevens et développée dans leur ouvrage fondateur Comment tout peut s’effondrer a grandement contribué à amener, le terme de « collapse » dans la sphère francophone.
Ces différents éléments ont largement contribué au fait de garder ce terme, tel qu’il s’était imposé à moi, alors que je cherchais à mettre un mot sur le manque que je ressentais.
Le terme d’ « effondralgie » pourra constituer un compromis pour les oreilles nécessitant un terme francophone ou pour les personnes non sensibilisées aux théories du « collapse ». C’est l’exacte traduction de collapsalgie en français.
Le COVID19 : la collapsalgie vécue
Alors que je finalise cet article, nous sommes mondialement touchés par une crise sanitaire sans précédent. La pandémie du Covid19 est un nouveau palier franchi dans un effondrement qui avait déjà commencé dans de nombreux autres pays du monde. Nous faisons tous, individuellement et collectivement, l’expérience d’une situation qui montre ô combien nous sommes fragiles. Nous la vivons dans nos quotidiens, dans nos corps privés de leur liberté habituelle de mouvement, dans notre esprit qui cherche à mettre du sens et dans les manifestations émotionnelles que génère cette épreuve. Nous avons quitté la sphère des événements « supraliminaires », un concept créé par le philosophe allemand Günther Anders, pour en faire vraiment l’expérience. Nous vivons dans notre réel, ce qui peu de temps avant cette pandémie, était au-delà d’un seuil (=supraliminaires), au-delà de ce que nous pouvions concevoir, penser, imaginer.
Au vu des changements de paradigmes que nous vivons aujourd’hui, il y a fort à parier que d’autres néologismes naîtront, pour essayer de mettre des mots sur les nouveaux ressentis, qui émergeront de ces épreuves et opportunités que l’effondrement nous amène à vivre.
Au delà de l’aspect sanitaire évident de cette crise, nous traversons un questionnement et une remise en question identitaire : qui souhaitons-nous être dans ce monde qui s’effondre ? Pour nous ré-inventer, nous aurons peut-être aussi besoin d’un nouveau langage…
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